ÉTATS-UNIS

Les prisonniers de Guantánamo
entrent dans leur quatrième année de détention tandis que les allégations de torture se multiplient



Index AI : AMR 51/003/2005
ÉFAI
Embargo : vendredi 7 janvier 2005 (00 h 01 TU)

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour convaincre les États-Unis de mettre fin au scandale en matière de droits humains que constitue le camp de prisonniers de Guantánamo Bay, a déclaré Amnesty International ce vendredi 7 janvier, veille du troisième anniversaire des premières détentions sur la base navale américaine de Cuba.

«Au cours des trois dernières années, Guantánamo est devenu symbole de vide juridique, a déclaré Amnesty International. En plus de mille jours de détentions sans jugement, l’endroit est devenu emblématique des efforts du gouvernement pour se placer au-dessus des lois. L’exemple ainsi donné constitue un danger pour nous tous.»

Le contrôle, par une autorité judiciaire, des ordonnances de mise en détention, la possibilité de consulter un avocat et de faire appel à des observateurs indépendants de défense des droits humains sont des garanties fondamentales contre la torture, les mauvais traitements, la détention arbitraire et les «disparitions». Des éléments de preuve laissant à penser que des détenus de Guantánamo ont été torturés ou soumis à de mauvais traitements continuent de s’accumuler, des agents du FBI s’ajoutant maintenant à la liste des personnes ayant fait de telles allégations. Hier, jeudi 6 janvier, l’armée a annoncé l’ouverture d’une enquête interne sur ces toutes dernières allégations.

«Une nouvelle enquête interne ne suffit pas, a déclaré Amnesty International. Une commission d’enquête indépendante, habilitée à mener des investigations sur tous les aspects de la «guerre au terrorisme» déclarée par les États-Unis, notamment sur les politiques et pratiques suivies en matière d’interrogatoire et de détention, aurait dû être mise en place il y a longtemps. Aucun organisme ne doit échapper au contrôle et personne ne doit être exempt de poursuites lorsque des preuves suffisantes existent.»

L’administration du président George W. Bush a donné son aval à des conditions de détention et des méthodes d’interrogatoire à Guantánamo qui violent les normes internationales. Les enquêtes précédentes de l’armée, pour ne pas parler de l’administration elle-même, n’ont encore jamais dénoncé le traitement infligé aux détenus de Guantánamo.

Parmi les méthodes d’interrogatoire autorisées à Guantánamo figurent le maintien dans des positions pénibles ou douloureuses, la mise à l’isolement, le fait d’encagouler les détenus, la privation sensorielle et l’usage de chiens. Parmi les exactions dénoncées par les agents du FBI, on note l’usage cruel et prolongé de chaînes ou d’entraves, la diffusion de musique à un volume sonore maximum et l’utilisation de lumières stroboscopiques. Ces agents ont également témoigné de l’utilisation de chiens pour intimider les détenus de Guantánamo. Pourtant des responsables militaires, y compris ceux impliqués lors des enquêtes précédentes, ont affirmé précédemment qu’aucun chien n’avait été employé à cette fin à la base navale. Une commission d’enquête totalement indépendante, réclamée par Amnesty International depuis mai dernier, est à l’évidence nécessaire.

Le président Bush en a fait un leitmotiv de son mandat : les États-Unis sont engagés en faveur du respect de la règle du droit et des «impératifs non négociables de dignité humaine». La Stratégie en matière de sécurité nationale des États-Unis et leur Stratégie nationale de lutte contre le terrorisme insistent sur le fait que le respect de ces normes doit être au cœur de toute recherche de la sécurité. La politique suivie par l’administration à Guantánamo est aujourd’hui le symbole le plus flagrant de son non-respect de ses promesses.

«Les seules paroles de l’administration, affirmant son attachement aux droits humains et à l’état de droit tout en déclarant la «guerre au terrorisme» ne sont plus crédibles, selon Amnesty International. Il faut maintenant des actes pour prouver cet engagement et un changement de direction en conformité avec les normes du droit international.»

Six mois après la décision de la Cour suprême d’accorder aux tribunaux fédéraux compétence pour entendre les recours en appel formulés par les détenus, l’administration tente d’écarter tout contrôle de la légalité de mises en détention individuelles et d’empêcher autant que possible toute procédure judiciaire. Devant la Cour fédérale, elle a défendu l’idée selon laquelle une enquête administrative par les tribunaux d’examen du statut de combattant ennemi – constitués d’officiers militaires pouvant s’appuyer sur des éléments de preuve secrets ou obtenus sous la contrainte pour désigner comme «combattants ennemis» des détenus privés de toute assistance juridique – était plus que suffisante.

Plus de 500 détenus de différentes nationalités sont toujours à Guantánamo sans avoir jamais été inculpés ni jugés. Quatre ont été inculpés et doivent passer en jugement devant une commission militaire, de tels procès violeraient les normes du droit international. La procédure a été suspendue en novembre conformément à une décision d’un juge fédéral. L’administration a fait appel de la décision, fermement décidée à maintenir les commissions militaires, organes totalement dépendants du pouvoir exécutif.

«En plus des détenus et de leurs familles, c’est la règle du droit dans son ensemble qui est victime de ce mépris à l’égard du pouvoir judiciaire, a déclaré Amnesty International. L’exemple donné par Guantánamo est celui d’un monde dans lequel certains droits humains fondamentaux peuvent se négocier et dans lequel la détention arbitraire et une justice à deux vitesses deviennent acceptables au nom de la sécurité.»

Amnesty International renouvelle son appel en faveur des détenus de Guantánamo, pour qu’ils bénéficient de procès équitables ou soient remis en liberté – et demande que soit mis fin une fois pour toutes aux procès envisagés devant des commissions militaires. Toute allégation de torture ou mauvais traitement à Guantánamo ou ailleurs doit faire l’objet d’une enquête indépendante et toute personne présumée responsable d’actes de torture ou mauvais traitements doit être traduite en justice. Les détentions au secret doivent cesser immédiatement, ainsi que les transferts secrets de prisonniers entre les pays.

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter sur le site d'Amnesty International la page consacrée à Guantánamo Bay (http://web.amnesty.org/pages/guantanamobay-index-fra) ainsi que les documents suivants :
- USA: Guantánamo - An icon of lawlessness (index AI : AMR 51/002/2005) ;
- États-Unis. Guantánamo : «Nous nous battons pour nos enfants…» (index AI : AMR 51/001/2005) ;
- États-Unis. La dignité humaine bafouée. Torture et obligation de rendre des comptes dans la «guerre contre le terrorisme» (index AI : AMR 51/146/2004).

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d'Amnesty International à Londres, au +44 20 7413 5566, ou consulter le site http://www.amnesty.org